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vous permettra de tenir un état digne du rang que vous aviez autrefois. Ma fille, vous direz à Philippe que je lui pardonne, vous lui direz de faire votre bonheur. Ah ! tous les jours on n’a pas une épouse telle qu’Honorée ! » En parlant ainsi, le duc s’affaiblit sensiblement, sa parole s’éteignit dans sa bouche et bientôt l’inconsolable Honorée ne serra plus dans ses bras que les restes insensibles du plus vertueux des hommes.

Je tire le rideau sur les suites de cette scène douloureuse où Honorée apprit encore à mieux connaître le marquis de Montolbon : ce fut sous la conduite de celui-ci, après avoir rendu les derniers devoirs à son père, que ma cousine se mit en route pour revenir respirer l’air pur de la France heureuse.

J’étais dans mon boudoir, couché sur un divan, enfoncé dans des rêveries profondes ; je repassais dans mon esprit les événements divers qui avaient tour à tour agité ma vie ; je me rappelais toutes les femmes qui avaient parlé à mon cœur, ou au moins à ma tête. Je suis arraché à ces rêves par le bruit de la porte qu’on ouvre avec fracas ; je veux me retourner avec quelque impatience, mais avant que je puisse exécuter ce mouvement, je me sens embrassé. Ah ! je ne tardai pas à reconnaître Honorée ; ivre d’amour, éperdu de joie, je ne me connaissais plus, je ne savais que rendre à mon amante les caresses dont