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son attention à repousser le fer de son ennemi. Martin s’apercevant qu’Alexandre se tenait sur la défensive, crut qu’il le craignait. „Jeune homme, lui cria-t-il, vous mollissez !” Ces mots étaient à peine prononcés que d’Oransai, pareil à la foudre, se précipite sur lui, et lui passant son épée au travers du corps, le fait tomber expirant sur la terre.

À la vue du meurtre qu’il vient de commettre, le généreux Alexandre oublie qu’il a été provoqué : aidé de ses deux camarades, il essaie de rendre à la vie ce cadavre insensible ; il n’est plus temps… Une sueur glacée fait frissonner d’Oransai ; une larme partie de son sensible cœur vient sillonner sa joue pâle : on l’entraîne, et c’est avec bien de la peine qu’on put, au bout d’un long espace de temps, lui rendre sa première gaîté.

Le lendemain on apprit publiquement la mort de Martin ; on fit des recherches pour la forme, mais le coupable n’ayant point été découvert, le cadavre de Martin et son souvenir furent ensevelis dans la même tombe.

Cette affaire fit le plus grand honneur à Alexandre. Le major, lui-même, le félicita ; et lorsque le comte lui écrivit, d’Oransai vit percer dans le style de la lettre une satisfaction qu’il ne pouvait pas se cacher. Présenté par le major, Alexandre parut dans les premières maisons de la ville ; partout on l’accueillit avec distinction : on aimait sa gaîté franche et