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l’époux, mais il n’en sera rien, je ne puis être qu’à Honorée. Ensuite, mademoiselle de Téligni est promise dès son bas âge à un monsieur qu’elle n’a jamais vu ; il doit arriver dans un mois pour serrer avec elle les liens conjugaux ; elle m’eût préféré peut-être. Sais-tu comment j’ai appris son amour pour moi ? Non. Eh bien ! je vais te l’apprendre : sa tante venait de mourir depuis quelques semaines ; Mathilde, vraiment peinée de cette mort, s’était retirée dans un jardin qu’elle possède aux portes de la ville, avec madame de Ternadek qui ne l’a point quittée dans ces douloureux moments. Sous le prétexte de voir mon ancienne amie, j’avais mes entrées en ce lieu, séjour de la beauté. Charles, quelque peu piqué du succès de son féal parent Philippe, avait renoncé à des prétentions qu’il ne pouvait plus garder ; cependant il me semblait que sa retraite était bien prompte, car enfin de légères préférences ne voulaient rien dire ; on ne m’avait point dit : Je vous aime ; ainsi la balance ne penchait absolument pas de mon côté et le cruel se piqua malgré nos conventions. Je fis tout mon possible pour lui donner une meilleure opinion de lui-même : il m’embrassa en me répétant qu’il me cédait la place. Me voilà donc seul, tous les avantages étaient pour moi ; quoique je visse avec quelque déplaisir la résolution de Charles, elle ne me désespéra pourtant pas. Un après-dîner, je partis donc dans