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d’un homme qui n’a contre lui aucun sentiment de haine, qui, l’instant d’après, si l’un d’eux ne succombe pas, va devenir son ami. Pourquoi, me direz-vous, cette rage ? Je vous ai déjà répondu parce qu’on veut le tâter c’est-à-dire parce qu’on veut voir si un Français a du cœur !!! Ah ! qu’il mérite d’être sévèrement puni celui qui fait cette injure à sa patrie, puisqu’il peut croire qu’elle a produit un enfant indigne d’elle ; et c’est pour satisfaire à cette odieuse curiosité qu’on enlève un défenseur au royaume, un fils à son père ; qu’on ferme, sans retour, une carrière brillante, et qu’on verse le sang de son frère.

Exécrable coutume !!! Oui, sans doute, il est beau de défendre, les armes à la main, l’honneur de sa famille, de disputer la main de son amante. Combien est méprisable l’être assez vil pour souffrir une insulte humiliante ; mais combien est encore plus coupable l’être qui, de sang-froid, va provoquer celui dont il devrait être l’ami !

Il fallait, comme je l’ai dit plus haut, tâter Alexandre. Un détestable sujet, qui par sa mauvaise conduite s’était fait chasser de plusieurs régiments, se chargea de cette affaire. La douceur, la politesse d’Oransai déjouèrent mainte fois ses desseins. Enfin un jour il dit à haute voix, dans un café où les officiers allaient passer quelques heures, que celui-là était un lâche, qui souffrait qu’on le heurtât