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lit la jeunesse : elle a encore un très petit pied, une main parfaite, en un mot, Ambroisine n’aurait rien à désirer, si ses qualités morales répondaient à l’attrait de son physique ; mais le revers de la médaille n’est point aussi digne d’éloge. Ambroisine est vive, parleuse, tripotière, c’est le mot, méchante à l’excès et par calcul, brûlante dans ses passions, sans cette retenue qui sied si bien à son sexe, bouffie de prétentions, sans usage du monde, impertinente par boutade, mais surtout d’une fausseté sans pareille.

Depuis que j’avais rompu sans retour avec sa sœur Euphrosine, j’avais fait très souvent ma cour à Ambroisine, qui tantôt m’accueillait, tantôt me repoussait, suivant que ses caprices le lui commandaient. Dans le fond pourtant, elle me voyait avec quelque intérêt : l’orage devait ce jour-là la contraindre à me voir avec tendresse.

Madame de Closange était à la campagne ; les domestiques dispersés, enfin Ambroisine était seule ; mon apparition lui fait pousser un léger cri ; bientôt revenant de cette première frayeur : « Ô M. d’Oransai, me dit-elle, quelle étoile favorable vous a conduit vers moi dans ce moment affreux ? »

PHILIPPE.

Ma bonne fortune, sans doute ; mais quoi, vous tremblez ?