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n’a pas une obole ; elle joue avec fureur et ne paie pas ses créanciers ; elle a une loge à la comédie, et ses enfants manquent de pain : comment peut-elle donc faire, me demanderez-vous ? Ah ! mademoiselle, elle a un grand secours dans elle-même. Il est malheureusement trop vrai que la pauvreté, apanage ordinaire de la vertu, l’est rarement du vice. Voyez à ses côtés ce jeune homme qui lui donne le bras ; il est fier de lui plaire ; il vient de payer d’une superbe paire de girandoles le plaisir de s’afficher avec une femme… tandis que cet épais financier, caché dans la foule, calcule encore avec douleur le prix de la voiture qu’il a offerte à la même divinité !

MATHILDE.

Elle serait bien reconnaissante de vos bontés, si elle pouvait écouter l’éloge que vous faites d’elle.

PHILIPPE.

Elle pourrait se plaindre de ma médisance, mais elle ne pourrait m’accuser de calomnie. Mais rangeons-nous, laissons passer ce colosse, qui joint au corps d’Hercule la tête d’Antinoüs et la bêtise de Midas, qui joue, perd, se laisse duper par air, qui est la dupe de tout le monde, dans l’espérance qu’on dira : C’est un seigneur ! tandis qu’on se contente de dire, c’est un sot : il se lève machinale-