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— Que vois-je ! s’écria mon adversaire.

— Ta victime, lui répondis-je, qui vient être témoin de ton châtiment. J’achevais, et trois fois mon glaive enfoncé dans sa gorge lui coupa la parole et lui arracha la vie. Je n’éprouvais point après cette action le frémissement qui suit toujours un duel, je sentis au contraire que j’étais moins coupable, puisque j’avais vengé mon père.

Ne voulant point cependant être surpris auprès du corps du monstre, je m’éloignai sans retard, et je regagnai le château. Tout le monde y dormait encore ; ainsi je pus sans être aperçu me rendre dans ma chambre. Je n’y fus pas longtemps M. de Montaigle vint me rejoindre, bientôt toute la compagnie se rassembla. Anaïs parut les yeux baissés, encore humides ; elle me sourit, moi-même je cherchai à causer avec quelque gaîté, voulant déguiser mon trouble, je parvins à réussir. Enfin après avoir renouvelé mes remercîments, je partis d’un lieu qui me laissera des pensées bien profondes. J’arrivai à Nantes, je fus reçu avec transport par l’amitié, et dans ma première lettre, je me propose de te raconter ce qui m’a frappé davantage dans tout ce que j’ai revu.