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impatience. Vieil ami du comte, il vouait au fils de son ami la même tendresse. D’Entremont avait passé ses jours dans les camps ; il connaissait les agréments, les dangers de la vie militaire ; il se promettait de diriger Alexandre par un chemin qui, sans lui paraître trop austère, le fût cependant assez pour l’empêcher de se perdre, ainsi que le faisait nombre de jeunes seigneurs abandonnés à leur inexpérience. D’Entremont, peu riche, avait toujours su par son excellente conduite, non seulement marcher de pair avec les plus fortunés du régiment, mais encore les surpasser. Victime de plus d’une injustice, il avait vu, sans murmurer, des enfants portés par la faveur lui ravir les places qu’il eût dû occuper. Cependant le reproche, les plaintes ne s’échappaient point de sa bouche ; il ne voulait point, par son exemple, autoriser ses inférieurs à fronder les opérations du ministère. Rigoureux pour la discipline militaire, il punissait sans aigreur, sans caprice comme sans partialité ; il avait été jeune, et plus que tout autre, il savait combien on doit avoir de l’indulgence pour des adolescents emportés souvent malgré eux ; mais s’il était facile à excuser les erreurs de la tête, il était inflexible pour les vices du cœur : une étourderie était pardonnée ; une méchanceté, une fausseté le trouvaient inexorable. Respecté des officiers, estimé de ses supérieurs, l’égal de tous par son mérite et sa