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minutes : l’ombre nous favorisait, les groupes de promeneurs n’étaient point assez rapprochés pour nous donner des craintes ; un banc se présente à moi… Anaïs n’en était point à sa première folie ; je dois le dire, elle m’a fait goûter des plaisirs que j’ignorais.

Je ne te communiquerai point les sévères réflexions que m’a fait naître sa prodigieuse facilité ; j’ai reconnu dans cette personne le danger d’une vie de campagne, celui d’une fausse éducation, et par-dessus tout, l’effervescence inimaginable du plus emporté tempérament. Anaïs n’a point voulu que le jardin fût le seul théâtre de nos transports ; elle a su, après souper, me donner une chambre voisine de la sienne ; quand le commode Morphée est venu réunir sous son empire les habitants de ce château, à pas de loup je me suis rendu vers le lieu où j’étais attendu avec quelque impatience. Quelle nuit, Maxime ! j’en conserverai longtemps le souvenir. Après mille et mille sacrifices au plus enivrant des dieux, Anaïs et moi nous nous sommes livrés à un sommeil nécessaire. Des songes voluptueux sont d’abord venus m’assaillir : j’ai vu m’apparaître l’une après l’autre toutes les beautés qui ont paré mon front d’une guirlande amoureuse ; je souriais à mon bonheur passé, j’errais au milieu des bocages de roses quand, insensiblement, ces brillantes rêveries se sont affaiblies ; d’autres objets ont pris leur