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replaça, elle préluda quelque temps, bientôt après mariant sa voix à l’instrument sonore, elle chanta un morceau charmant, un peu trop étourdi pour une jeune personne, mais qui joué avec un talent rare, électrisa toute l’assemblée ; de longs, d’unanimes applaudissements apprirent à mademoiselle de Montaigle combien elle avait su nous plaire, et malgré qu’elle prêchât l’inconstance, c’était un sentiment qu’on ne savait point avoir auprès d’elle.

Pendant le temps qu’elle avait chanté, le ciel s’était découvert, la lune luisait doucement au travers des nuages passagers qui, quelquefois, interceptaient sa vaporeuse lumière ; comme la pluie avait abattu la chaleur, on proposa une promenade dans le jardin, je saisis ce moment pour remercier M. de Montaigle sur sa généreuse hospitalité, et pour faire ma retraite ; mais on ne voulut point me le permettre. Nous ne souffrirons pas, me dit-on, que vous nous quittiez aussi vite, restez avec nous ; si votre voyage est si pressé, vous vous éloignerez demain matin ; mais pour aujourd’hui vous ne pouvez parler de retraite. » Vaincu par ces instances réitérées, surtout retenu par le regard d’Anaïs, je consentis à prendre part à la promenade qui allait se faire ; et, sans m’en apercevoir, j’offris ma main à mademoiselle de Montaigle. En vérité, me dit-elle, je ne devrais point la prendre.