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gauche ; la vitesse de nos destriers, secondant notre impatience, nous eûmes bientôt atteint le but. Je voulais garder l’incognito ; mais Robert prétendant qu’une telle mesure pourrait bien nous faire prendre pour des aventuriers, qu’alors nous courrions deux chances : d’abord, et la plus désagréable, celle d’essuyer un refus ; la seconde, si l’on nous accordait un asile, d’être, peut-être, relégués sans souper, dans un grenier ; ces justes craintes m’ayant ouvert les yeux, je laissai faire Robert qui, s’avançant près de la loge du concierge, lui parla ainsi :

« Mon ami, allez dire à vos maîtres que M. le vicomte d’Oransai envoie son valet de chambre pour demander un refuge pendant l’orage qui éclate en ce moment. »

Comme le nom de d’Oransai est quelque peu connu dans ces contrées, dès que le domestique eut fait son message, je vis accourir vers moi un cavalier d’environ cinquante ans, possesseur d’un air noble et prévenant ; ce personnage m’accueillit avec toute la politesse imaginable, et me dit que M. de Montaigle était trop heureux de recevoir, dans son château, celui qui l’avait si vaillamment défendu dans les guerres de la Vendée. Je répondis à ce compliment flatteur du mieux qu’il me fut possible. Cependant M. de Montaigle me prenant par la main, me conduisit dans son salon ; du premier coup d’œil je remarquai