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vivras pas à ce d’Oransai qu’adore toujours ton âme parjure. Tu veux ma mort, tu crois qu’elle t’est nécessaire, la tienne me devient un besoin.

Paul, mon procès continue à s’instruire ; je dois tout redouter de son issue, un incident le retarde, on a eu besoin des dépositions de Léopold, on ne l’a trouvé nulle part, on croit même qu’il a quitté Nantes pour très longtemps. Saurais-tu vers quel lieu il a dirigé sa course ? son absence nous laissera-t-elle les maîtres de la vie de ceux que Léopold protège ? Instruis-moi de tout, surtout délivre-moi d’ici ; je tremble d’être la victime d’une justice secrète ; je suis du nombre de ces hommes qu’il est dangereux d’immoler avec trop d’éclat : ainsi je dois frémir chaque fois que s’ouvre la porte de la sombre demeure, j’y vois des choses qui me font horreur. D’où vient, Paul, que nous, qui ne croyons à rien de ce que croit le vulgaire, nous conservons cependant de puériles idées, qui viennent souvent nous désespérer ? Pourquoi mon imagination affaiblie donne-t-elle naissance à ces fantômes affreux que je vois errer dans la nuit ? le sang coule de leur blessure, leur visage me retrace les mille victimes que j’ai immolées à la constitution !… Ces apparitions sinistres ne sont que l’ouvrage d’un cerveau fatigué ; car, n’est-il pas vrai, Paul, que notre âme n’est point immortelle ? que cet esprit qui nous anime