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de fortes envies de me mordre ; je connus l’étendue de ce nouveau péril, me voilà me jetant à genoux, mon visage à la hauteur du museau de l’animal, le haranguant de mon mieux, lui faisant des civilités, lui parlant d’une manière toute gentille pour m’en faire reconnaître ; au bout de dix minutes, j’en vins à bout ; n’ayant plus rien à redouter, je gagne la porte de la rue, je l’ouvre, non sans quelques efforts, et me voilà chez moi. Ce n’était rien encore, mon impatience ne me permet point de m’apercevoir de la bizarrerie de mon équipage, je heurte à renverser le portail, le concierge longtemps endormi, me fit encore attendre, il paraît, il ouvre, je m’élance, je le pousse, il me voit, il me prend pour un voleur, pour un fantôme ; il se met à pousser des cris sans pareils, il me poursuit ; plus leste que lui, je lui échappe et parviens dans mon lit. L’alarme était néanmoins donnée, tout le château accourt aux clameurs du concierge, on écoute son rapport : il a vu, dit-il, passer un spectre qui avait trente toises de hauteur, il courait comme un lièvre. On va, on vient, on ne le trouve pas, on n’ose point m’éveiller pour me raconter une histoire pareille ; mais le jour d’après, mon valet de chambre, Robert, ne me laissa rien ignorer de cette merveilleuse apparition.