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n’y avait pas une minute à perdre, la fenêtre s’ouvre, je passe sur le balcon et me voilà en chemise, exposé à un vent très froid, qui soufflait à outrance, tandis que les nuages laissaient échapper une fine pluie qui me mouillait jusqu’aux os ; la position n’était guère agréable, aussi ce n’étaient pas des politesses dont je régalais le destin ; dans le temps que je souffrais ainsi, le maussade M. de Norcé contait longuement le sujet de son fâcheux retour. Le bourreau ne manquait aucun détail, il ne passait rien ; enfin il se couche, Céleste rejoint sa sœur, mais ne voilà-t-il pas que cette enfant, loin de vouloir s’endormir, prétend babiller avec Apollonie, et bon gré mal gré, entame une conversation à m’épouvanter !

Tremblant de froid, désespéré de la situation dans laquelle je me suis mis, redoutant que quelqu’un en passant dans la rue, n’aille trouver étrange qu’on prenne le frais en chemise sur un balcon, pendant qu’il pleut, je pris la résolution désespérée de tenter une retraite sans attendre celle que doit me procurer Apollonie ; ce dessein arrêté, je me mis à songer à son exécution. Je commençai d’abord par examiner l’assiette des lieux : le balcon sur lequel je me trouvais, était élevé d’environ vingt-cinq pieds au-dessus de la rue ; ainsi, nul espoir de franchir cette hauteur sans un secours quelconque ; la galerie régnait extérieurement dans toute la façade de la maison,