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je n’ai point tardé à être proclamé par elle son vainqueur ; et quelle plus charmante victoire ai-je jamais rencontrée ! le doucereux et bucolique Gabriel soupirait toujours pour elle ; il avait rimé l’histoire assez plaisante de notre ridicule matinée, qu’il appelait un combat de grandeur d’âme ; il s’occupait alors à rassembler ses poésies diverses ; ce travail lui prenant un certain temps, il nous laissait en repos ; mais les jours ne nous semblaient point assez longs pour satisfaire à l’infatigable envie de bavarder qui nous tracassait sans relâche, Apollonie et moi, cette belle personne ayant une foule de choses fort importantes à me communiquer. Il fut résolu que la première fois que le cher oncle découcherait, je me rapprocherais de sa nièce. Mademoiselle Apollonie a une petite sœur, âgée de neuf ans, appelée Céleste, et qui, non seulement fait chambre commune avec elle, mais encore partage son lit ; lorsque M. de Norcé est en voyage, madame sa tendre épouse, dévorée de la crainte des revenants, ne veut pas rester dans une couche solitaire ; alors Céleste remplace son tuteur, de sorte qu’Apollonie est abandonnée aux visites des lutins qui n’osent parvenir jusqu’à madame de Norcé. Comme de tous les lutins, je suis le plus réel, Apollonie se décida à affronter mes visites nocturnes. Ce jour tant souhaité arriva ; le maire de M.... monté sur une respectable jument poulinière,