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naient plus ; il était en entier rayé, son cœur en fut indigné. Après avoir dans une églogue décrit ses peines, il lui entra dans la tête deux projets de vengeance : le premier, et sans doute le plus infaillible, fut de vouloir me contraindre à lire les vers échappés à sa muse, le second, de mesurer son fer avec le mien.

Depuis huit jours, paisible possesseur des charmes de la belle Apollonie, couvrant ce bonheur sous les voiles de la discrétion, je ne m’apercevais pas du nouvel orage qui allait crever sur ma tête.

Après une nuit délicieuse je m’étais retiré chez moi ; depuis une heure ou deux je goûtais à peine un sommeil nécessaire, lorsque malgré mon valet de chambre, le matinal Gabriel parvint jusque dans mon appartement. Le tapage qu’il faisait m’ayant réveillé, je demandai à Robert la cause de ce vacarme.

— « Monsieur, me dit-il, M. Gabriel, portant sous son bras une quinzaine de cahiers, couverts de bleu tendre, ainsi que de vert, veut vous parler, et cela sans retard, quoiqu’on puisse faire pour l’en empêcher. »

— « Eh ! mon Dieu, qu’il entre au plus vite, je saurai me débarrasser promptement de sa contrariante visite : allez, on peut l’introduire. »

Je suis obéi, Gabriel paraît, et venant à moi : Monsieur, me dit-il, votre cœur est-il sensible ?