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de son choix, il est mort, et encore elle le pleure lorsqu’un maudit carreau fait tomber son quinola, ou que la fortune lui destine l’affront d’essuyer un schelem. Janika a lu tous les romans, le vieux Amadis et Esplandian, l’intéressante Astrée, le tendre Cyrus, le belliqueux Pharamond, la galante Clélie, etc., etc., etc. ; elle a même écrit le récit de ses amours. Hélas ! l’excès de sa douleur ne lui a point permis d’aller plus avant, du moment où son époux lui faisait l’aveu de sa tendresse ; à peine a-t-elle rempli vingt-un volumes, et cependant que de choses attendrissantes ne lui reste-t-il pas à raconter !

Le disputeur Karakadek la suit de près, lui qui un jour interrompit le pasteur en chaire, tant il brûlait de contredire, qui dit non avant que vous ayez ouvert la bouche, et qui souvent, lorsque vous lui cédez, vous assure qu’il avait tort, que votre avis valait mieux que le sien, et que par conséquent la dispute doit recommencer. Je n’irai pas plus loin, en voilà assez pour satisfaire à ma rage de peindre. Venons à une aventure qui peut-être t’offrira quelque intérêt.

Mademoiselle Apollonie de Norcé, vint au cercle (c’est ainsi qu’on l’appelle) chez madame de Clarmonde ; en entrant je fus enchanté de son air noble et décent ; elle n’est pas grande, mais sa taille est bien prise, son teint est fort blanc, ses yeux noirs d’une