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la fougue de mes passions, victime de ma légèreté, j’ai vu la mort de près, et je suis encore prêt à la braver, si mes plaisirs me le demandent. Pourras-tu définir mon caractère ? dis-moi, pourquoi le ciel m’a-t-il créé ainsi ? Je respecte la religion, ma conduite l’outrage ; j’adore à l’excès Honorée, je lui fais infidélité sur infidélité ; un penchant secret m’entraîne vers la vertu, et je résiste à ce penchant ; je ne sais point ce que je suis, je contrains mes idées, je me refuse souvent à ce que j’aime le plus, je suis toujours en contrariété avec moi-même : deux hommes se disputent l’empire de mon âme, l’un bon, sensible, l’autre violent, effréné. Ah ! quand reverrai-je celle qui seule peut espérer de me fixer sans retour ! oui, mon Honorée ; Philippe, amant volage, deviendra époux constant ; mais jusqu’alors il sera tel qu’il a été jusqu’à ce jour. Tu vois, Maxime, combien mes réflexions ont le pouvoir de me changer.

Ce n’a pas été sans dessein que j’ai choisi M.... de préférence à tout autre ville, celle-ci me rappelle de doux comme de nobles souvenirs ; on m’a reçu avec une distinction qui m’a flatté ; cependant, au nombre des personnes que j’ai vues, Joséphine n’a point frappé mes regards. Aurait-elle abandonné M.... ? Aurait-elle serré les deux nœuds d’un hymen fatal à mon intérêt ? je le saurai dès demain ; il faut que je m’informe, et de cette belle, et