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l’autre est un chêne qu’on casse, mais qu’on ne fait pas plier.

Adelphe, dans mes mains, deviendra de la cire molle ; je le façonnerai ainsi que je voudrai. D’après ce projet, je me garde bien de lui accorder ce qu’il souhaite ardemment ; je ménage ma défaite, elle deviendra le prix du service que Melclar pourra me rendre ; oui, je me fais fort de l’aveugler au point de lui faire faire des choses directement opposées à l’honneur dont il parle toujours. Ah ! avec quelle promptitude je le repousserais loin de moi, si d’Oransai de nouveau à mes pieds… Justine, où m’emporte mon imagination délirante ! je ne dois plus revoir Philippe que dans un cercle où il frappera mes yeux en déchirant toujours mon cœur ; c’en est fait, il ne me trompera plus, il ne m’enivrera plus par ses fausses caresses ; je ne serai plus glorieuse d’être conduite par lui, je ne relèverai plus ma tête quand je l’entendrai accueillir par un murmure flatteur. Ô Clotilde ! qu’as-tu fait ? entre Philippe et toi, tu as élevé une barrière insurmontable : il fallait, sans emportements, sans éclats, souffrir ses infidélités ; il fallait, par les larmes, par la douceur, par la coquetterie même, chercher à le rappeler, à le séduire encore ; mais la fougue de mon caractère, l’effervescence de mes passions, les conseils détestables d’Émilien, mon amour-propre offensé ; tout m’a entraînée, tout m’a portée à faire les