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par jalousie, et je suis plainte par la société, ou du moins on me le fait croire. Émilien est toujours dans le château de Nantes, on instruit son procès ; je tremble que dans ses interrogations, il ne me charge de quelques-unes de nos iniquités communes ; si je le croyais… Ne penses-tu pas, Justine, que ce serait un service à lui rendre que de prévenir son supplice ? Émilien ne peut éviter la mort, la lui donner d’avance lorsqu’elle peut prévenir les dénonciations et me délivrer à jamais des inquiétudes qu’il me donne, serait-ce un mal ? Non, non, il vaut mieux qu’il expire obscurément ; encore, Justine, cet attentat, et ce sera le dernier ; tu ne peux concevoir combien il est pénible d’avoir toujours à redouter les indiscrétions de son complice, c’est un châtiment perpétuel. Ah ! s’il m’est possible de descendre dans la prison d’Émilien, je n’en sortirai qu’après lui avoir arraché la vie !…

Je t’ai déjà parlé du jeune Adelphe de Melclar qui, depuis longtemps, soupire pour moi avec une décence admirable ; c’est un de ces êtres dont le caractère est de ne pas en avoir, qui ne sait penser et agir que d’après les autres, auquel on peut donner toutes les impulsions ; en un mot, un seïde que je fanatiserai, que j’exalterai, si ce peut m’être nécessaire. Qu’il y a loin de pareils hommes à un Philippe ! mais il vaut mieux les rencontrer : ce sont des saules qu’on ploie à volonté quand