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sa femme, celle-ci abat le marchand, les clameurs recommencent. Un trompette qui logeait dans l’auberge, éveillé en sursaut, et croyant les ennemis dans la ville, prend sa trompette et sonne l’alarme. Tous les voyageurs à demi endormis tirent leurs sonnettes à la fois, le cuisinier se pend à la cloche du dîner ; les voisins crient au feu ; en un instant la ville est sur pied : on va, on vient, on court, on s’informe, et tout finit par rire.

Le chanoine se fait laver le derrière ; le sénéchal applique un emplâtre sur sa fesse mordue ; madame d’Hecmon assure son oncle qu’elle était sortie pour une affaire indispensable, mais qu’ayant entendu crier au voleur elle avait, dans sa frayeur, oublié la porte de sa chambre, et que toute éperdue elle avait couru au hasard se réfugier dans le premier lit trouvé. Si le chanoine l’eût surprise avec Alexandre, il n’eût pas cru un mot de ce récit ; mais comme c’était le lit du vieux gentilhomme que madame d’Hecmon avait partagé, il fut plus facile à se laisser surprendre. Pendant cette scène nocturne, le Jeune d’Oransai se tenait à quatre pour ne point éclater de rire ; de son côté Lucile soupirait après l’interruption de ses plaisirs, et la vieille dame ne se réveilla point, malgré le bruit occasionné par ce tapage infernal.

Il était cependant jour, on se préparait à partir. Quand il fallut monter dans la voiture,