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d’Oransai, mais encore elle faisait plus, elle l’immolait elle-même. Dans une tasse de chocolat j’avais versé un poison sûr, et qui par le plus extraordinaire des effets, n’agit qu’après plus de quinze jours ; ainsi rien ne pouvait accuser ; Philippe expirait dans les plus affreuses convulsions : déjà la mort était sur ses lèvres, lorsque Clotilde (peut-on compter sur une femme aussi faible !) brise la tasse fatale, et sauve celui que nous avions dévoué au trépas. Elle m’assure que l’amour l’a emporté ; je crains bien que cet amour ne la conduise plus loin encore, et qu’elle finisse par agir contre nous. Crois-tu que Clotilde nous soit nécessaire ?… si tu ne le penses pas… tu m’entends. Dévoré de colère, je crus que le même soir, me chargeant moi-même de la vengeance, elle serait plus sûre : autre erreur, peut-on punir celui que Léopold protège ? À l’instant où mon fer allait se rougir du sang du Vendéen, ne voilà-t-il pas que Léopold se montre environné de soldats, que je suis saisi et traîné comme assassin dans les souterrains du château de Nantes ? c’est de ce lieu que je t’écris ; un homme sûr te remettra cette lettre ; presse-toi d’abandonner la France ; cours dans la Russie, et là, que cette Honorée devienne ton partage ; puisses-tu ainsi plonger dans la douleur l’exécrable d’Oransai. Ah ! si je pouvais sortir ! mais non, je ne franchirai les murs de cette enceinte que pour aller au