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diminuer et j’entrevois déjà le moment où ma main, devenue impuissante, me laissera sans défense exposé aux coups des assassins. Déjà je chancelle, ma vue se trouble et je sens à plusieurs reprises leurs épées qui ne rencontrent plus une riposte assez prompte, m’effleurer le corps.

— Courage, amis, s’écrie Émilien, dont l’ignoble visage s’éclaire d’une joie satanique, il faiblit, il est à nous et rien désormais ne peut le soustraire à nos coups. Il n’y a personne cette fois pour t’arracher à ma vengeance, d’Oransai !

— Il y a le ciel et moi, dit une voix puissante qui semble venir de ce ciel même au nom duquel elle parle. En même temps, la paroi qui nous fait face paraît s’ouvrir comme par enchantement, une lumière éclatante fait place à la demi-obscurité qui nous environnait et dans cette baie lumineuse apparaît Léopold en grand costume et l’épée à la main, tandis que derrière lui se laissent entrevoir les baïonnettes étincelantes d’une troupe de soldats. Au son de cette voix bien connue, à l’aspect de cet homme qu’ils redoutent plus que Dieu même, imposant et majestueux comme la statue de la justice, mes assassins s’arrêtent frappés de stupeur. — Léopold ! s’écrie Émilien, je suis perdu. Il laisse tomber son épée, je le vois pâlir et chanceler, tandis que mon sauveur s’avance vers lui, suivi de son escorte.