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auprès de la jeune actrice : elle a cru qu’il revenait. Jouant le rôle de Victor, j’ai parlé de moi d’un ton piqué : alors Célénie m’interrompant, a commencé en trois points l’éloge complet du vicomte Philippe. Il ne serait pas décent que je te rapportasse tout ce qu’elle a dit de flatteur sur mon compte. Cependant je crois, pour humilier mon amour-propre, que me prenant pour Victor, elle cherchait à le faire endêver. Quand j’ai cru que les louanges allaient finir, j’ai quitté mon faux visage, et m’étant fait reconnaître, après avoir joui de sa surprise, je l’ai doucement entraînée, et par trois fois je lui ai prouvé ma reconnaissance. Comme je ne voulais point passer la nuit avec Célénie, je m’en suis tenu à cette politesse, et je n’ai pas tardé à reparaître dans la salle du bal. Un Tartare m’a abordé : « On dit que M. d’Oransai n’a pu boire ce matin une tasse de chocolat ? »

— « Que t’importe ! »

— « Beaucoup. Il paraît que madame Derfeil s’intéresse bien à ta santé ? »

— « Oui, a dit un magicien qui passait auprès de nous, elle n’a pu se résoudre à lui arracher la vie. »

— « Masque, que dis-tu ? » me suis-je écrié en quittant le Tartare pour courir après le magicien.

— « Je dis, m’a-t-il répondu, que j’ai lu dans les astres. »