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l’amitié de Léopold. Que ce préambule ne t’épouvante pas, je suis maintenant hors de tout danger : Émilien vient d’être arrêté ; ses satellites ne sont plus ; Madame Derfeil pleure sur les crimes qu’on lui a fait commettre. Me voilà désormais à l’abri de tout danger.


Il était près de minuit lorsque je partis pour le grand bal. J’avais refusé de me masquer, préférant au plaisir d’intriguer, celui d’être intrigué moi-même. La salle était remplie d’une foule immense ; partout on riait, partout s’avançaient des groupes joyeux ; je ne tardai pas à partager l’enjouement général. Ayant aperçu Célénie au fond d’une loge, je fus me placer auprès d’elle ; elle n’avait point couvert sa figure d’un masque, mais elle s’était habillée en paysanne suisse : ce costume seyait parfaitement à sa jolie figure. J’avais grande envie de la conduire au lieu de nos rendez-vous ; elle y était assez bien disposée, quand un masque, habillé en militaire, est venu lui parler. Je n’ai point tardé à reconnaître l’amant dédaigné, le malencontreux Victor, dont je t’ai déjà parlé en te racontant mes premières aventures avec Célénie ; à son approche, je me suis retiré et la fantaisie m’a pris d’aller revêtir un costume pareil au sien. J’ai été promptement déguisé. Comme je revenais, je l’ai aperçu quittant Célénie. Dès qu’il a été perdu dans la foule, j’ai couru