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— Je ne vous abandonnerai pas, Clotilde, lui dis-je, si l’amour ne peut renaître dans mon cœur, il peut être du moins sensible à l’amitié.

— Ton amitié, je n’en veux pas, je ne veux rien de toi, homme odieux que je déteste ! passé ce jour, je te défends de t’offrir à ma vue ; que dis-je, ce sera moi qui te fuirai, dans quelques heures je quitte Nantes pour ne plus y reparaître tant que tu y respireras ; te voir est un trop cruel supplice pour qu’il me soit possible de le supporter.

Elle dit, et s’élance hors du salon comme suffoquée par l’excès de la douleur, mais en s’éloignant elle me lança un regard de mort, dont j’aurais dû comprendre la signification. Dès que je me trouvai seul, en portant mes regards sur les lettres que j’étais venu rendre, il m’entra tout à coup dans la pensée que j’avais tort de me dessaisir de toutes, que peut-être en en gardant quelques-unes je pourrais dans la suite retenir une femme emportée. Je me pressai de parcourir le paquet, et parmi cette nombreuse correspondance je me contentai de ravir une seule lettre, comme étant le résumé de toutes ; c’était la dernière que Clotilde m’avait adressée ; je la cachai dans la poche de mon habit. Voyant que la belle courroucée ne reparaissait pas, j’allais m’éloigner, quand madame de Ternadek, madame Nelsor, et quelques autres personnes parurent