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m’arrêtant au bas de l’escalier, j’ai cherché à reprendre ma fermeté ; enfin, ayant cru que j’étais préparé à tout, je me suis fait annoncer. On m’a introduit dans le salon où je suis resté seul pendant trois ou quatre minutes ; là, je me suis raffermi, et quand Clotilde a paru j’étais sous les armes : son aspect m’a frappé, une vive rougeur enluminait ses joues, et par intervalles, de larges taches blanches la défiguraient ; son œil gonflé de larmes était environné d’un cercle noir, ses cheveux étaient en désordre, sa robe mal attachée ; en un mot, elle était passablement laide.

Tu dois croire que cette vue n’a point allumé l’amour dans mon cœur. J’ai vu dans cet appareil ou la préméditation ou l’amour-propre déçu. En s’approchant de moi, Clotilde a chancelé, balbutié quelques mots inintelligibles. Je lui ai présenté ses lettres, elles les a posées sur la cheminée ; je lui ai rendu le portrait : elle l’a saisi, l’a brisé dans ses mains et puis jeté dans le feu. Cette action rapide a décidé l’explosion : non, je ne pourrai jamais te redire tout ce que lui ont fourni son caractère et sa furie, les épithètes qu’elle m’a prodiguées, les injures, les menaces dont elle m’a accablé. Bientôt passant à une autre extrémité, elle s’est précipitée à mes genoux, m’a demandé une nouvelle tendresse, m’a promis l’oubli du passé ; que n’a-t-elle point fait, que n’a-t-elle point dit, pour me rengager sous ses liens !