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mes, ces amants retrouvent de nouveaux désirs et de nouveaux aliments.

Ah ! qu’ils sont beaux ces instants dont la jeunesse devrait seule jouir ! C’est à seize ans, à dix-huit ans, que les jeux de l’amour sont doux : tout est neuf, tout est brillant ; l’impétuosité de cet âge, des attraits qui ne font que de naître, des sens que rien n’a encore émoussés, une pudeur naturelle qui se mêle aux emportements de la passion ; tout s’unit pour nous prouver que les fleurs du printemps ont une fraîcheur que doivent faner les ardeurs de l’été. Lucile qui brûlait d’acquérir une instruction entière, recommençait ses leçons avec Alexandre, lorsqu’un bruit affreux parvient jusqu’à eux. Le lecteur n’a point sans doute oublié que madame d’Hecmon avait, à la dînée, fait un appel à d’Oransai ; elle s’attendait à le trouver dans sa chambre ; et tranquille dans son lit, elle invoquait le sommeil pour qu’il vînt fermer les yeux du chanoine. D’abord, au moment de se coucher, elle lui avait fait une scène ; il avait riposté, et tous deux, contre l’usage, firent lit à part. Le temps s’écoulait, et le fâcheux ne s’endormait pas. Madame d’Hecmon enrageait ! elle tremblait de ne pouvoir rejoindre son jeune ami, qui par ses belles manières de la matinée l’avait fortement intéressée. Enfin un long ronflement, pareil à ceux que se permettait le chanoine quand il disait son office, vient lui apprendre que le moment est propice, et qu’elle