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mais aime-moi uniquement ; trompe-moi ; j’aime encore mieux être trompée qu’abandonnée. J’irai au-devant de l’illusion ; je me fierai à tes paroles fallacieuses : oui, tu m’aimeras, tu renonceras à Célénie. Non, non, non, non ! tu n’y renonceras pas, tu es trop mon ennemi ! je te suis trop odieuse ! Deux mois se sont écoulés, et tu n’as point songé à paraître chez moi ; et mes lettres journalières sont restées sans réponses. Homme abominable ! c’est toi qui me conduis vers le crime ; tu tressailles d’allégresse à la pensée de mon égarement : barbare peux-tu voir ainsi souffrir une femme pour laquelle tu es tout ? Je t’attends demain ; il faut que tu viennes ou au mépris des convenances que tu respectes tant, je cours chez toi, et là je m’immole à tes yeux. Pour la dernière fois, il est une grâce que tu ne peux pas me refuser ; réponds à cette présente lettre ou par ces mots : Je reviens pour t’aimer, ou par ceux-ci : Je reviens pour vous rendre les dons que vous me fîtes. Les uns ou les autres me seront nécessaires, soit pour calmer mon désespoir, ou pour amortir les élans étouffants de la joie. Adieu, cher et cruel Philippe ; ta réponse va porter le dernier coup à mon âme. Ah ! combien de maux tu pourrais éviter si tu étais moins perfide, ou tout au moins compatissant !