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ma vengeance ; elle sera terrible, affreuse ; elle t’accablera : rassemble tout ton courage, toute ton adresse, et tu seras encore vaincu. Je t’immolerai, mais en détournant les yeux ; hélas ! je le sens, en m’en indignant, ta vue serait capable de me désarmer. Je t’aime donc encore ? ah ! oui, je t’aime, et voilà ce qui me désespère. Philippe, tu es toujours Philippe pour moi : jeune, aimable, beau, fier, sensible, tu es toujours assuré de triompher. Tu te ris de ma colère ; tu sais bien qu’un mot de ta bouche arrêterait le fer dans ma main levée : le diras-tu ce mot, entendrai-je encore ces douces paroles résonner à mon oreille charmée ? Clotilde, je t’aime ! Viens, mon amant, viens, mortel que j’idolâtre, viens me serrer contre ton cœur, viens poser la main sur le mien ; le sens-tu palpiter ? c’est pour toi qu’il bat, c’est pour toi qu’il existe ; ah ! viens me jurer une tendresse éternelle, me rendre à la vertu ; tu peux le faire : prononce et la sagesse me range sous ses bannières ; j’abjure mes erreurs, je suis ce que tu es, ce que tu voudras que je sois ; mais par grâce, par pitié, renonce à cette Célénie que j’ai en aversion, à cette Honorée que j’abhorre ! ne t’ai-je pas tout sacrifié ? n’as-tu pas avec moi goûté les plus ineffables des délices ? nos bouches ne se sont-elles pas rapprochées, nos deux corps ne se sont-ils pas unis ? Je suis ton amie, ta maîtresse, ta femme : je serai tout pour toi ;