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blée de votre indifférence : puisse votre bonheur… ton bonheur, il ne doit plus en luire pour toi, monstre qui naquis pour achever de me perdre ! Toi, que j’ai trop aimé pour ne pas haïr par de-là toute expression, tu as pu vouloir me délaisser ! ah ! tu n’as point réfléchi quel abîme t’ouvrait cette démarche inconsidérée ; tu ne sais pas ce que peut une femme abandonnée et qui ne respire que pour toi. Oui, malheureux ! Clotilde t’adore encore ; mais cet amour n’est plus que de la fureur, c’est de l’huile embrasée dont mes veines sont remplies ; ma tête est perdue, la tendresse, la rage s’y confondent, s’y réunissent pour te perdre, pour m’animer : la vengeance cruelle me consume ; je t’ai en horreur ; ta vue est à mes yeux un supplice que mon cœur ne pourrait supporter. Détestable fourbe, pourquoi m’as-tu dit que j’avais su te plaire ? pourquoi as-tu fait naître dans mon âme un amour que tu ne partageais pas ? c’étaient mes larmes que tu voulais voir couler, c’était ma confusion au jour où tu m’excluerais, mon désespoir sans borne, qui te récréaient ; tu voulais jouir de toute l’étendue de ma douleur inexprimable. Sois satisfait, que ton souhait soit comblé ! oui, je pleure, mais chacun de mes pleurs t’en coûtera vingt de sang. Jusqu’ici tu n’as eu à combattre que des hommes, voyons si tu seras aussi habile à vaincre une femme : insensé, tu ne te doutes pas de ce que doit être