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pus mettre à fin cette entreprise : les portes du mystérieux manoir avaient été réparées de toute part, et elles étaient soigneusement fermées.

Je trouvai dans le bois des bûcherons qui coupaient des branches mortes ; je fus à eux et je les questionnai au sujet de château ; ils me répondirent tous avec le ton de l’épouvante qu’il était depuis longtemps habité par les diables, après l’avoir été par les brigands ; que chaque nuit on entendait dans son enceinte des bruits extraordinaires ; qu’on voyait sur le sommet des tours des flammes voltiger, et souvent des spectres apparaître.

Ces récits ne m’apprenant rien de bien neuf, servirent néanmoins à m’assurer qu’il était le théâtre de quelque entreprise fort extraordinaire. Je repartis pour Nantes ; en y arrivant, je fus droit à l’hôtel de Léopold ; on ne savait pas qu’il se fût mis en route, ses gens parurent l’apprendre de moi ; enfin, voyant que je ne pourrais pas soulever le voile dont j’étais environné, je me décidai à n’y penser que lorsque je t’écrirais le récit fidèle de ces nombreux événements ; puisses-tu y ajouter quelque foi ! pour l’honneur de ma raison, c’est nécessaire. Adieu, mon tendre ami ; tu n’es pas au moins dans les rangs de ceux qui se plaisent à me tourmenter. Ô Maxime, que ton âme est faite pour l’amitié ! et comme, sous un extérieur froid et sévère, tu sais cacher les sentiments qui t’animent !