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non, certainement je ne l’ai pas été. Maxime, quelle incompréhensible aventure ! je m’y perds ; ma tête n’est point rassise, ou plutôt… Je ne sais que penser, je suis le jouet d’un homme extraordinaire ; le reverrai-je jamais, ce Léopold ? Honorée est-elle en France ? Saint-Clair n’est-il pas dans le tombeau ? Mais si j’ai dormi, comment la bague que Léopold m’a donnée dans le souterrain se trouve-t-elle à mon doigt ? Le cercle de cette bague est d’or, la pierre est un magnifique rubis, sur lequel se trouvent gravés des caractères bizarres, dont la signification m’est totalement inconnue : ce présent redouble mes incertitudes. Allons, il faut les bannir ; il ne faut plus songer qu’à mes plaisirs, cela vaut mieux, et au moins a plus de réalité ; mais il est un moyen de jeter de la lumière sur cette aventure : je vais sur-le-champ écrire à Honorée ; si elle est à Londres, elle me répondra ; je lui apprendrai tout ce que j’ai vu ou cru voir ; en vérité, je n’ose presque pas te l’écrire, Maxime ; je crains que tu ne me prennes pour un visionnaire ; je ne le suis pourtant pas, quoique parfois je me surprenne me tâtant, me pinçant, comme pour m’assurer que je suis bien éveillé.

Après que je fus bien certain du départ de Léopold, je voulus aussi m’éloigner dans l’intention d’aller visiter le vieux château de la forêt, s’il m’était possible d’y pénétrer ; je ne