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affreux, réveille les dormeurs, et fait envoler la troupe tremblante des légers amours. Le sénéchal stupéfait se rapetisse ; le gentilhomme moins pressé s’apaise, et sans de nouveaux accidents on arriva à Angers, où l’on devait coucher. De la cour où l’on descendit, on entra dans la cuisine ; à droite était le salon à manger servant de salle des voyageurs ; à gauche, par une petite galerie, on se rendait dans les diverses chambres à coucher. Chacun pressa le souper, les uns ayant envie de dormir, les autres de veiller. Pendant qu’on mangeait, les moins assoupis bâillaient à se démonter la mâchoire. Le dessert n’était point entamé, que chacun se saluant d’un leste bonsoir se retire dans sa chambre. No, monsieur le sous-lieutenant Alexandre, vicomte d’Oransai ; no 10, le gentilhomme et le négociant ; no 11, le chanoine de la cathédrale de Saint-Pierre, et sa candide nièce ; no 12, la vieille dame et Lucile ; no 13, le sénéchal qui avait voulu coucher seul, et pour cause.

Il était sensé que chacun dormait, lorsque le bouillant Alexandre, vêtu de sa chemise, et comptant les portes soigneusement inscrites dans sa mémoire, arrive au no 12. On l’attendait. Il est reçu en entrant par le plus doux baiser, auquel il répond par un plus doux encore. La grand’mère reposait, rêvant à la gloire éternelle ; Alexandre, prétendant qu’il meurt de froid, inspire de la pitié à Lucile.