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habillée sur mon lit, je me reposais sans chercher le sommeil que je voulais éviter ; le flambeau qu’on m’avait donné ne tarda pas à s’éteindre, je me trouvai dans une entière obscurité.

Depuis quelques instants les ténèbres m’environnaient, quand une lueur subite éclaira ma chambre ; je me levai avec précipitation sur mon séant, pour examiner la cause de cette clarté qui m’apparaissait : alors je vis la muraille se fendre ; de son sein entr’ouvert il sortit un fantôme hideux, revêtu d’une draperie sanglante ; un voile rouge était placé sur sa tête ; il s’avança vers moi, et leva lentement le voile qui le cachait. Mon premier mouvement avait été celui d’une terreur inexprimable ; bientôt la raison reprenant son empire, je pensai que j’allais être le jouet d’une odieuse mystification, qu’on voulait, en m’effrayant, m’ôter en entier les moyens de défense ; mais le courage que me donna cette réflexion, fut sur le point de s’évanouir, lorsque j’eus reconnu Saint-Clair pâle, hâve, l’œil étonné, me lançant un regard où le crime était empreint : « Honorée, me dit-il, reconnais-tu celui qui est mort pour toi, celui que l’insolent Philippe immola du fond des dernières demeures ? je reviens vers toi pour te tourmenter sans relâche ; le ciel t’a déclarée ma proie, je la saisis. »

— « Misérable, lui criai-je à mon tour,