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ces paroles, me firent croire qu’il était capable d’effectuer ses menaces. Je pris le parti de souffrir en silence, ce n’était pas à mes yeux le moment auquel je devais déployer mon énergie.

Nous voyageâmes ainsi tout le reste de la nuit ; vers le matin nous arrivâmes à une poste où nous changeâmes de chevaux.

Ainsi se passèrent trois jours ; chaque fois que nous approchions d’un lieu habité, le conducteur toujours masqué, appuyait son arme sur mon sein, s’apprêtant à m’immoler si je faisais entendre ma voix.

Vers le soir du quatrième jour, nous descendîmes à la vue d’un château bâti sur des rochers dominant au loin l’Océan. Une femme vêtue en paysanne anglaise, portant sur sa figure l’annonce de la méchanceté, se présenta pour me recevoir à la descente de la voiture. Je ne daignai pas seulement lui adresser la parole ; je la suivis en silence. Nous montâmes au château par un chemin qui s’élevait en pente rapide ; en approchant du vieux manoir, je ne pus m’empêcher de frémir, me rappelant alors le château de la forêt où nous fûmes autrefois si malheureux et où maintenant nous réunit un être bienfaisant.

On me donna une chambre assez petite, de forme ronde et bâtie dans une des tours des angles ; on m’apporta un assez bon souper ; je mangeai peu ; ensuite, me jetant tout