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d’Alban, veuve d’un gentilhomme français, et dont j’étais toujours accompagnée, me suivit ; nous montons dans ma voiture, le cocher n’était que depuis quelques jours dans notre maison. Dès que la portière fut fermée, il partit avec une rapidité inconcevable. Le domestique qui était derrière nous lui cria à plusieurs reprises qu’il se trompait, que ce n’était point la route de l’hôtel ; le misérable ne tenant aucun compte de cet avis, ne s’arrêta que lorsqu’il fut sorti de la ville. Alors six hommes masqués se présentèrent. Nous ne nous étions point aperçues de la trahison, nous dormions à moitié ; quel fut notre étonnement lorsque la portière s’ouvrit et qu’un individu le pistolet au poing arracha d’auprès de moi madame d’Alban, la laissa sur le grand chemin ainsi que le domestique qu’on avait garrotté, se plaça à côté de moi, et ordonna au cocher de repartir !

Tout ce que je viens de te dire se fit plus rapidement que je n’ai mis de temps à te le raconter ; l’excès de la surprise, l’odieux de cette action, avaient suspendu mes facultés. Quand je revins un peu à moi, je demandai avec indignation le motif de cet exécrable attentat ; mon conducteur me dit de me taire, que ce qui se faisait était pour mon bien, et qu’il avait l’ordre de me brûler la cervelle si j’osais faire la moindre tentative pour me sauver : la brutalité qu’il mit, en prononçant