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est un lâche et presque toujours un calomniateur. Je ne vous affirmerai point que le comte d’Oransai vous garde une scrupuleuse fidélité, mais pouvez-vous penser que si sa tête est distraite, son cœur puisse le devenir ? non, il vous adore toujours. De vils ennemis le circonviennent : ils veulent vous désunir ; votre faiblesse, si vous pouviez les croire, assurerait leur triomphe. Quant à la seconde partie des accusations, elle tombe d’elle-même : Philippe, plein d’honneur, qui a combattu pour la monarchie avec autant de bravoure, ne peut être coupable : voulez-vous en être plus certaine ? dites un mot, je pars, je vais à Nantes, et m’assure par moi-même de la vérité des faits. »

« Non, non, lui dis-je, je ne souffrirai point que vous exposiez ainsi votre vie. Non, ami trop magnanime ; je n’hésiterai pas à vous croire désormais, je bannis la méfiance et je ne garderai que de l’amour pour Philippe. »

Malgré moi cependant j’étais quelquefois tracassée par des pensées que je ne pouvais chasser. Le marquis, pour me distraire, engageait mon père à essayer les moyens de la dissipation. J’allais aux bals, aux assemblées, aux spectacles, et souvent la douleur me suivait dans ces lieux où devait présider la gaîté.

Une nuit, après être restée jusqu’à trois heures du matin dans un bal que donna lady Lauderdale, je voulus me retirer ; madame