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à faire mon malheur ; il me serait affreux d’abandonner Philippe et d’être à un homme estimable que je ne pourrais pas chérir.

— Madame, me répliqua le marquis sans hésiter, votre confiance me dicte irrévocablement ma conduite. Non, je ne tromperai point l’idée glorieuse que vous vous êtes formée de moi. Oui, sans doute, il m’en coûtera de ne point avoir pour épouse la femme qui réunit tant de charmes à tant de vertus ; mais je préfère le regret de ne point la posséder à celui de lui déplaire une seule minute. Soyez libre, belle Honorée ! que l’heureux Philippe vive dans l’espoir de vous posséder ! Ah ! du moins si je ne puis obtenir votre amour, que votre amitié devienne ma récompense !

— Elle vous est accordée, lui dis-je en lui tendant ma main, qu’il baisa à plusieurs reprises. Il me dit alors qu’il se chargeait de tout : que, si mon père était irrité, il prendrait sur lui toute sa colère. Le duc ne tarda pas à rentrer. Alors je me retirai dans mon appartement, et le marquis put parler en toute liberté.

Mon père lui demanda comment j’avais reçu sa déclaration, le marquis prétendit qu’il ne l’avait point faite ; une nouvelle que j’ai apprise dans la matinée, dit-il, en a été la cause : il assura qu’un émigré nouvellement arrivé de France, lui avait conté fort au long l’amour de Philippe pour moi, ainsi que la