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il me déclara ses sentiments pour moi, me dit que, sans l’approbation de mon père, il n’eût point osé me confier un tel aveu. Il ajouta que, sans avoir l’espérance de me plaire, il conservait au moins celle que je ne le voyais pas avec aversion.

— Marquis, lui répliquai-je, non seulement je ne vous déteste point, mais encore j’ai pour vous une estime dont vous allez vous-même juger, par ce que je me propose de vous confier. Vous m’aimez, dites-vous, je veux le croire ; cet amour, pourtant, a été trop prompt à naître pour avoir pu jeter de profondes racines. À peine quinze jours se sont-ils écoulés depuis le premier instant où nous nous sommes vus ; vous avez cru, peut-être, que mon cœur était paisible. Détrompez-vous : j’aime, et rien ne peut me détacher de celui qui brûle également pour moi ; si je n’eusse pas connu Philippe d’Oransai, le marquis de Montolbon m’eût paru seul digne de ma main ; mais le ciel en a autrement ordonné : Philippe est mon cousin, j’ai combattu à ses côtés, le premier il a attendri mon cœur, à lui seul se rapportent mes pensées, je ne puis l’oublier… Marquis, ma franchise n’a éclaté que dans la confiance que m’a inspirée votre caractère. Vous êtes gentilhomme, vous êtes Français, tout m’affirme que vous serez généreux ; cessez de conserver des prétentions que je ne puis approuver : n’aidez point mon père