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Quand nous fûmes de retour à notre hôtel, mon père me demanda comment j’avais trouvé le marquis de Montolbon.

— Il m’a paru aimable, lui répondis-je.

— Ainsi, me dit le duc, vous avez pu voir que l’élite de la noblesse française n’a point resté sur un territoire avili. Il ne poursuivit point ; je ne voulus pas répondre et nous nous séparâmes. Le lendemain, au moment où nous nous mettions à table pour prendre le thé, on annonça le marquis ; il parut dans le plus élégant costume, salua mon père avec un air d’intelligence qui me parut de mauvais augure ; prenant place à mes côtés, il m’accabla d’une foule de compliments qui, quoique dits avec grâce, n’en eurent pas moins l’honneur de me déplaire. Je cherchai à rendre la conversation générale ; j’y réussis.

Alors le léger marquis disparut ; je ne vis à sa place qu’un homme vraiment instruit, profond politique, qui voyait tout du meilleur côté, qui débrouillait avec une merveilleuse clarté les idées les plus embrouillées. Je l’écoutai avec quelque plaisir ; bientôt il tire sa montre, se rappelle un rendez-vous indispensable, baisa ma main avant que j’aie pu la retirer, s’incline devant mon père, et s’enfuit avec toute la légèreté de ses chevaux.

Après qu’il fut parti, le duc recommença à me faire son éloge : je ne tardai pas à comprendre qu’on exigeait que le marquis