Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19

sa nièce, qui avait changé de linge ; à l’aspect de l’abbé un nouveau cri s’élève. L’imprudent ! il avait, sans doute pour de bonnes causes, retroussé sa soutane avec deux épingles ; et par une étourderie impardonnable, sa culotte ayant le pont-levis abaissé, laissait apercevoir… Miséricorde ! s’écria la bonne dame, est-ce satan que je vois ? et le chanoine de s’enfuir, et les assistants de rire ; et Alexandre de ressentir des mouvement de colère ; et madame d’Hecmon, avec un imperturbable sang-froid, de lui dire, à ce soir ; et les indifférents de se mettre à table, et tout le monde de manger attendu le besoin, et de jurer contre les plats ; et l’hôte de se faire payer trois fois la valeur des mets qu’il a servis, et les voyageurs de remonter en voiture, et celle-ci de rouler. Pendant que dans son sein on dormait, digérait, pensait et espérait, les pieds d’Alexandre et de Lucile, les yeux de madame d’Hecmon et d’Alexandre étaient dans une continuelle agitation. La jeunesse est imprudente. Lucile, en voulant agir de ses deux pieds, heurta deux ou trois fois ceux du sénéchal ; attendu qu’un sénéchal peut avoir de l’amour-propre, il crut que l’on s’adressait à lui, et le voilà poussant des soupirs, tandis que d’une botte forte il presse légèrement, à ce qu’il croit, le gros orteil du gentilhomme campagnard qu’il pense être Lucile. Comme le gentilhomme avait des cors, tout à coup il fait un bond, pousse un cri