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dresse pour celui qui n’en est plus digne ; le jeune d’Oransai ne tarderait pas à trahir les serments qu’il pourrait vous faire : un parjure ne l’est pas à demi. Je vis avec une mortelle douleur jusqu’à quel point mon père était animé contre toi ; il me sembla que bien des jours s’écouleraient avant celui qui éclairerait notre bonheur. Le duc terminant cet entretien par un baiser paternel, me recommanda le soin de ma parure ; „car, me dit-il, vous serez ce soir même présentée à nos princes.” La présentation eut lieu, on daigna me faire des compliments exagérés sur ma conduite dans la Vendée ; je fus enfin toute cette soirée l’objet de la publique curiosité. Parmi les jeunes seigneurs qui s’empressèrent auprès de moi, je fus contrainte de remarquer le marquis de Montolbon, qui se distingua par ses délicates attentions pour moi, par l’élégance de ses manières et la vivacité de son esprit ; je reconnus en lui un vrai Français, plus d’une fois il me rappela mon cher Philippe. Cette ressemblance avec toi dans les façons d’être, dans la tournure de sa conversation, m’engagèrent à lui parler plus souvent ; il m’en parut charmé, je ne m’aperçus point cependant que ma conduite faisait naître dans son cœur des espérances que j’étais bien loin d’encourager. Le soir il me reconduisit jusqu’à notre voiture ; en me quittant il me lança un regard que j’eusse compris si je n’eusse pas aimé Philippe.