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manière aussi inattendue, voilà plus qu’il n’en faut pour faire tourner une tête plus froide que la mienne ; enfin quelque peu de raison me revint : assis auprès de mon amie, passant un bras autour de sa taille charmante, cueillant des baisers de feu sur ses lèvres rosées, puisant un nouvel amour dans ses regards, je l’interrogeai et sur le temps de son absence et sur ses liaisons avec Léopold. — Les transports que je t’inspire, me dit-elle, sont bien doux à mon âme ; ah ! cher Philippe, combien je suis heureuse si tu m’as toujours conservé ta tendresse, et que je suis coupable si j’ai ajouté foi aux calomnies nombreuses qu’on s’est plu à répandre sur ton compte. Tu me demandes le récit de mes aventures, je vais te raconter des événements qui te paraîtront bien étranges, et que j’accuserais s’ils ne m’avaient enfin rapprochée de toi.

„Pleurant sur ton généreux dévouement au bonheur de ta patrie, sur la sévérité des ordres de mon père, je m’éloignai de la France : le duc de Barene m’avait commandé de venir le rejoindre en Angleterre, où il avait fixé son séjour auprès des princes dont il voulait partager la fortune. Je débarquai à Douvres après une heureuse traversée ; là je trouvai le premier valet de chambre de mon père, qui m’attendait depuis quelques jours : je ne voulus prendre que peu de repos ; impatiente de revoir le duc, je partis pour Londres en toute diligence. La