Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54

étaient rangés entre les colonnes ; une multitude de jets d’eau jaillissants, une profusion de sièges de velours richement brodés ; des draperies d’un luxe, d’une élégance peu commune, embellissaient cet inconcevable séjour ; mais encore cette magnificence me frappa moins que l’aspect d’une foule de génies, de sylphes, de fées qui, placés sur des nuages colorés, remplissaient la salle, se tenant tous dans une respectueuse posture devant un trône étincelant de lumière, sur lequel était assis Léopold, habillé du plus brillant costume. De toute part respirait la joie ; non je me trompe, au bas du trône, une troupe de personnages vêtus de rouge, portant un masque de la même couleur, me présentait une contenance soucieuse qui contrastait vivement avec l’allégresse générale. Léopold, après avoir paru quelque temps jouir de ma surprise, leva sa baguette : soudain le silence le plus profond régna partout. — Ô vous, dit-il, vous dont la puissance étendue s’emploie sans cesse à combattre les ennemis du bonheur des mortels, invisibles puissance, qui faites trembler les méchants, voici l’heure de nos mystérieuses séances ; venez, le ciel est serein, la terre est dans le silence, et la voix de l’Être des êtres nous crie de commencer ; paraissez, esprits accusateurs, nommez-nous les coupables sur lesquels doivent tomber nos foudres vengeresses ; nommez-les, et avant que la lune soit