Page:Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, 1887.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45

mais je sens que mes mouvements sont libres. Je ne tarde pas à quitter le perfide fauteuil, et me voilà à tâtons jouant à colin-maillard pour sortir de ce salon, quoiqu’il pût m’en arriver et quoique Léopold pût me dire. En cherchant une issue, je touchai une tapisserie ; je crus au travers distinguer un rayon de lumière, j’approche mon œil pour m’assurer si je ne me trompe pas : que vois-je ! Émilien placé au milieu de cinq brigands, tous porteurs de la plus détestable mine, qui aiguisent un poignard dont le tranchant me parut horriblement effilé : à cette vue, tout fut expliqué. Mon sort est clair, me dis-je, victime du plus odieux complot, comme de la plus dangereuse confiance, je me suis jeté moi-même dans les bras de mes ennemis. Ah ! ma perte est assurée ! puissé-je au moins leur vendre chèrement ma vie !

Je disais, alors Émilien prit la parole.

— Eh bien, camarades, dit-il, nous le tenons enfin, ce d’Oransai qui osa combattre la république et égorger Saint-Clair, son brave défenseur ; il est peu adroit, ce jeune homme, de se fier au capitaine Léopold : sa crédulité nous a servis à merveille, et il sera doux en l’immolant, de venger le magnanime Décius.

— Parbleu, reprit un des assassins, il me tarde que le capitaine soit de retour pour commencer la fête : je veux, du premier coup de ce fer, fendre en deux le cœur du fier ci-devant.