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sentir le sorcier, n’était qu’un fourbe adroit, autrefois compagnon de Décius Saint-Clair ! je serais bien tombé. Je me suis laissé surprendre comme un sot, et loin d’avoir des armes pour me défendre, je ne puis même pas me remuer. Mon cher Philippe ; si vous vous tirez d’ici les bragues nettes, cela vous apprendra à aimer les aventures galantes et fort peu les mystérieuses. Ici mon monologue de grand opéra, qu’un rondeau n’égayait point, fut interrompu par une vilaine large goutte de sang qui tomba de la voûte sur ma main. Bon, poursuivis-je, il est gracieux ce présage ; une autre goutte tombe sur ma seconde main ; le flambeau qui brûlait sur une table voisine s’éteint, et la plus décidée obscurité m’enveloppe. En ce moment, de gentilles têtes de mort, portées sur des ailes de feu, voltigent ça et là ; une armée de fantômes blancs viennent autour de moi en formant une danse peu réjouissante : — Ah ! dis-je à haute voix, on veut m’offrir pour plaisir une scène de Robertson. Un nouveau spectacle qui m’apparut, me fit prendre un ton moins riant : un tombeau s’élève tandis que la foudre gronde, peu à peu un spectre décharné sort du cercueil, ses traits se forment, il s’approche de moi et m’offre la figure trop connue du misérable Saint-Clair. Soudain, une voix tonnante s’écrie : Vengeance ! vengeance ! vengeance !… Tout disparaît, tout se tait, l’obscurité redouble ;