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PHILIPPE.

— Oui, oui, je vous l’assure, lui dis-je, quoique mon cœur eût fortement battu, lorsque Léopold me tenait le bizarre discours que je viens de te rapporter : — Il suffit, me dit-il, je ne vous propose point de vous bander les yeux, promettez-moi seulement de les fermer et de ne les ouvrir que quand je vous le permettrai. Je lui fis la promesse qu’il exigea, et, sur-le-champ, je posai ma main sur mes paupières abaissées. À peine me fus-je ôté le droit de voir, que j’entendis autour de moi un murmure confus de voix et de pas ; il me sembla que Léopold causait avec une multitude de personnes, tandis qu’une seconde avant, nous étions isolés, et loin de toute créature humaine ; je demeurai dans cette position environ quatre minutes ; alors Léopold me dit avec douceur : Vous pouvez ouvrir les yeux. Je ne reconnus plus la place où j’étais ; la colline avait disparu, ou plutôt on m’avait transporté dans un autre lieu sans que je pusse m’en douter ; nous étions dans une chambre ronde, bâtie en pierre jaunâtre ; au milieu du plancher était posé un piédestal d’albâtre cannelé, sur lequel s’élevait un vase pareillement d’albâtre ; de ce vase sortait une lumière douce qui, éclairant les environs, me permit de distinguer le nouveau costume de Léopold ; une toque de velours noir, surmontée d’une plume rouge,