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mager de l’absence de son saint ordinaire. Enfin, ils touchent l’un et l’autre au bonheur suprême, elle sent venir son amant, et tandis qu’il se laisse complètement aller sur les globes amoureux prêts à le recevoir, l’exquise volupté de la tiède rosée dont il lui inonde le derrière, la force de répandre à son tour le flot abondant des larmes du plaisir.

Mais, alors, j’eusse préféré mourir que de subir les violences obscènes du monstre auquel je m’étais follement liée. Furieux de ma résistance, il s’empare de moi, me lie à un arbre, me trousse et m’exposant ainsi nue, me fouette sans pitié. Sa fureur satisfaite, il me détache pensant que ce traitement barbare m’a rendue plus docile. Je parais en effet m’apprêter à le satisfaire, je me place et je lui présente l’objet de ses désirs, mais tandis qu’agenouillé derrière moi, il s’attarde aux bagatelles de la porte, je me retourne à demi et le saisissant d’un bras, prompte comme l’éclair je lui plonge mon poignard dans la poitrine. Il s’affaisse sans prononcer une parole ; j’essaie de saisir les battements de son cœur, mais tout était fini ; il était mort. J’eus un moment de stupeur et je me détestai moi-même ; mais le souvenir des indignes traitements qu’il m’avait fait éprouver, eut bientôt raison de mes remords. Je quittai ce lieu sinistre ne songeant plus qu’à cacher mon crime ; la chose d’ailleurs me fut facile. Pierre