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Célénie fait mon bonheur ; ses charmes, son esprit, non moins que sa beauté me retiennent auprès d’elle, mais tu connais ton ami, mon cher Maxime, et il ne faudrait qu’une bonne occasion, je le crains pour lui faire oublier la fidélité promise. Il n’est pas à croire que Célénie vienne à bout de ce que n’a pu faire mon incomparable Honorée.

T’ai-je déjà parlé d’un personnage étrange et singulier dont s’occupe depuis longtemps toute la ville, et qui, si j’en crois mes pressentimens, aura une grande influence sur ma destinée ? Il s’appelle Léopold, mais personne ne connaît son vrai nom. D’où vient-il, quel est-il, on ne sait. Ce qui est certain, c’est qu’il possède un pouvoir extraordinaire et mystérieux que reconnaissent ceux mêmes qui par leur situation sembleraient devoir y échapper. Il a, croit-on, sous ses ordres une véritable légion d’invisibles, comme on les appelle, et qui exécute aveuglément ses ordres. Les éléments même lui semblent soumis, mais ce pouvoir effrayant qui le met au dessus des lois, Léopold ne s’en sert que pour combattre le vice et punir les méchants ; la vertu n’a rien à craindre de lui, et peut au contraire l’appeler avec confiance à son aide. Léopold, en particulier, est la terreur des frères et amis, de cette engeance exécrable qui avait réussi à transformer la France en une vaste boucherie, où il n’y avait plus que des bourreaux et des victimes. Déjà